L'article
Ma vie ne se résume pas à un sein
26.02.20 - Enseignante, conférencière et auteure, Solange Raby a publié «La vie, c’est plus qu’un sein» (éd. MLK), son journal intime des cinq années passées entre la découverte d’une tumeur et une reconstruction mammaire. Entretien.
Comment les membres de votre famille ont-ils vécu l’annonce de votre ablation du sein?
Chacun a vécu cette histoire à sa façon avec plus ou moins de douleur et de réaction. Par exemple, quand j’ai expliqué à la dernière de nos trois filles qu’on allait m’enlever un sein, elle a dû être hospitalisée, tant le choc de l’annonce a été brutal. Elle avait neuf ans.
Ma reconstruction et les aléas qui l’ont entourée nous ont donné l’occasion de débattre en famille sur le fantasme du corps féminin idéal qui nous est imposé aujourd’hui. Je ne dis pas que la chirurgie esthétique est mauvaise. Mais la quête actuelle du corps idéal, jeune et parfait est un leurre; elle est dangereuse à la fois physiquement et psychologiquement. Rien n’est jamais anodin.
Vous avez accepté l’ablation d’un sein. Avez-vous pensé à prier pour une guérison?
Je crois en la guérison divine et nous avons bien sûr prié dès que l’on a découvert cette boule dans mon sein gauche. Mais avoir la foi, ce n’est pas refuser les soins médicaux: c’est faire confiance à Dieu quoi qu’il advienne. Parfois, Dieu permet aussi un autre chemin que la guérison miraculeuse, car il sait que c’est le seul moyen pour nous d’apprendre certaines choses, de grandir, d’approfondir notre relation avec lui.
Vous avez malgré tout vécu des miracles.
Oui, par exemple au cours de ma reconstruction. En septembre 2012, au retour de l’hôpital où je venais juste de subir la mastectomie (l’ablation du sein), un courrier m’attendait et m’annonçait que j’avais un souci sur le col de l’utérus. J’en ai pleuré. Comme si c’était fait exprès! Ma gynéco voulait opérer. J’ai demandé la prière et l’onction d’huile pendant un culte et Dieu a agi: totalement guérie! Absolument plus rien.
En mars 2017, Dieu est encore intervenu. Alors que j’étais en soins intensifs à l’hôpital, personne n’a vu que je faisais une hémorragie interne. Le personnel médical m’a laissée comme cela plusieurs heures. Mon état s’est fortement dégradé et j’étais mourante lorsque l’on m’a ramenée au bloc pour la troisième fois en deux jours. Pendant l’opération, j’ai fait un choc hémorragique, un œdème pulmonaire et un arrêt respiratoire. C’est un vrai miracle que je m’en sois tirée, qui plus est sans séquelle neurologique. Je le vois dans les yeux effarés des médecins chaque fois qu’ils prennent connaissance de mon dossier.
Votre livre évoque peu votre engagement spirituel. Pourquoi?
J’ai entièrement remanié mon journal intime en vue de sa publication. Bien que j’aborde clairement le sujet de la spiritualité, il m’en a coûté de passer sous silence notamment mon engagement dans la création d’une communauté chrétienne locale et le combat que cela impliquait en plus de la charge de travail. En fin de compte, le message est là, comme une pincée de sel dans un plat.
En quoi avez-vous évolué grâce à ces expériences?
Auparavant, j’avais peur des hôpitaux et même des malades. Mon regard n’est plus le même. Je peux dialoguer avec des personnes qui vivent des épreuves, mieux les entendre, sans pour autant être effrayée ou mal à l’aise.
Ma relation avec Jésus s’est aussi approfondie, enrichie. Beaucoup veulent vivre des révélations et des miracles, mais ils oublient que ceux-ci arrivent toujours dans un contexte d’épreuve, de douleur, parfois même de catastrophe. Il n’y a qu’à lire la Bible. La mer s’est ouverte pour laisser passer le Peuple hébreu alors que ces derniers étaient sur le point de se faire exterminer par l’armée de Pharaon. Les compagnons de Daniel rencontrent l’ange après avoir été jetés dans la fournaise. Les missionnaires Paul et Silas sont délivrés de la prison après avoir été torturés.
A qui s’adresse votre livre?
Les difficultés de l’existence n’épargnent personne. Les traumatismes, qu’il s’agisse de la maladie, du handicap, du deuil, d’une rupture sentimentale, des abus, de la violence, d’un divorce ou des problèmes relationnels, aboutissent à des constats universels. Je crois que chacune et chacun peut se retrouver dans mon histoire. Il y a un effet miroir.
Par ce livre, j’ai aussi souhaité prêter mes mots à ceux qui ne savent, n’osent, ne peuvent exprimer leur ressenti face à une épreuve. Je veux également offrir mes yeux aux personnes disposées à entendre, à saisir, à pénétrer le cœur de celles et ceux qui passent par la maladie.
Quel a été votre parcours depuis décembre 2017?
Je suis surveillée par le corps médical «comme le lait sur le feu», autant sur le sein reconstruit que celui naturel. Les médecins craignent que j’aie le même problème sur le sein restant. Mais je refuse catégoriquement de vivre dans la peur. Je fais confiance à Dieu. Il tient ma vie entre ses mains.
Je dois en outre gérer les petits «déglingages», fruits de ces dix opérations: mal de dos, cicatrices, adhérences, problème de mâchoires et de cervicales, bruxisme, acouphènes, troubles de la mémoire et du sommeil, etc.
Je porte une gouttière la nuit et des semelles le jour. Trois kinés et une orthophoniste s’occupent de moi et mon emploi du temps est bien rempli. En effet, chacun me donne des «devoirs à la maison». Donc tout va bien, mais il y a encore un peu de boulot pour me remettre en selle... même si j’enfourche mon VTT presque tous les jours pour rester en forme!▪
Propos recueillis par Rachel Gamper
Chacun a vécu cette histoire à sa façon avec plus ou moins de douleur et de réaction. Par exemple, quand j’ai expliqué à la dernière de nos trois filles qu’on allait m’enlever un sein, elle a dû être hospitalisée, tant le choc de l’annonce a été brutal. Elle avait neuf ans.
Ma reconstruction et les aléas qui l’ont entourée nous ont donné l’occasion de débattre en famille sur le fantasme du corps féminin idéal qui nous est imposé aujourd’hui. Je ne dis pas que la chirurgie esthétique est mauvaise. Mais la quête actuelle du corps idéal, jeune et parfait est un leurre; elle est dangereuse à la fois physiquement et psychologiquement. Rien n’est jamais anodin.
Vous avez accepté l’ablation d’un sein. Avez-vous pensé à prier pour une guérison?
Je crois en la guérison divine et nous avons bien sûr prié dès que l’on a découvert cette boule dans mon sein gauche. Mais avoir la foi, ce n’est pas refuser les soins médicaux: c’est faire confiance à Dieu quoi qu’il advienne. Parfois, Dieu permet aussi un autre chemin que la guérison miraculeuse, car il sait que c’est le seul moyen pour nous d’apprendre certaines choses, de grandir, d’approfondir notre relation avec lui.
Vous avez malgré tout vécu des miracles.
Oui, par exemple au cours de ma reconstruction. En septembre 2012, au retour de l’hôpital où je venais juste de subir la mastectomie (l’ablation du sein), un courrier m’attendait et m’annonçait que j’avais un souci sur le col de l’utérus. J’en ai pleuré. Comme si c’était fait exprès! Ma gynéco voulait opérer. J’ai demandé la prière et l’onction d’huile pendant un culte et Dieu a agi: totalement guérie! Absolument plus rien.
En mars 2017, Dieu est encore intervenu. Alors que j’étais en soins intensifs à l’hôpital, personne n’a vu que je faisais une hémorragie interne. Le personnel médical m’a laissée comme cela plusieurs heures. Mon état s’est fortement dégradé et j’étais mourante lorsque l’on m’a ramenée au bloc pour la troisième fois en deux jours. Pendant l’opération, j’ai fait un choc hémorragique, un œdème pulmonaire et un arrêt respiratoire. C’est un vrai miracle que je m’en sois tirée, qui plus est sans séquelle neurologique. Je le vois dans les yeux effarés des médecins chaque fois qu’ils prennent connaissance de mon dossier.
Votre livre évoque peu votre engagement spirituel. Pourquoi?
J’ai entièrement remanié mon journal intime en vue de sa publication. Bien que j’aborde clairement le sujet de la spiritualité, il m’en a coûté de passer sous silence notamment mon engagement dans la création d’une communauté chrétienne locale et le combat que cela impliquait en plus de la charge de travail. En fin de compte, le message est là, comme une pincée de sel dans un plat.
En quoi avez-vous évolué grâce à ces expériences?
Auparavant, j’avais peur des hôpitaux et même des malades. Mon regard n’est plus le même. Je peux dialoguer avec des personnes qui vivent des épreuves, mieux les entendre, sans pour autant être effrayée ou mal à l’aise.
Ma relation avec Jésus s’est aussi approfondie, enrichie. Beaucoup veulent vivre des révélations et des miracles, mais ils oublient que ceux-ci arrivent toujours dans un contexte d’épreuve, de douleur, parfois même de catastrophe. Il n’y a qu’à lire la Bible. La mer s’est ouverte pour laisser passer le Peuple hébreu alors que ces derniers étaient sur le point de se faire exterminer par l’armée de Pharaon. Les compagnons de Daniel rencontrent l’ange après avoir été jetés dans la fournaise. Les missionnaires Paul et Silas sont délivrés de la prison après avoir été torturés.
A qui s’adresse votre livre?
Les difficultés de l’existence n’épargnent personne. Les traumatismes, qu’il s’agisse de la maladie, du handicap, du deuil, d’une rupture sentimentale, des abus, de la violence, d’un divorce ou des problèmes relationnels, aboutissent à des constats universels. Je crois que chacune et chacun peut se retrouver dans mon histoire. Il y a un effet miroir.
Par ce livre, j’ai aussi souhaité prêter mes mots à ceux qui ne savent, n’osent, ne peuvent exprimer leur ressenti face à une épreuve. Je veux également offrir mes yeux aux personnes disposées à entendre, à saisir, à pénétrer le cœur de celles et ceux qui passent par la maladie.
Quel a été votre parcours depuis décembre 2017?
Je suis surveillée par le corps médical «comme le lait sur le feu», autant sur le sein reconstruit que celui naturel. Les médecins craignent que j’aie le même problème sur le sein restant. Mais je refuse catégoriquement de vivre dans la peur. Je fais confiance à Dieu. Il tient ma vie entre ses mains.
Je dois en outre gérer les petits «déglingages», fruits de ces dix opérations: mal de dos, cicatrices, adhérences, problème de mâchoires et de cervicales, bruxisme, acouphènes, troubles de la mémoire et du sommeil, etc.
Je porte une gouttière la nuit et des semelles le jour. Trois kinés et une orthophoniste s’occupent de moi et mon emploi du temps est bien rempli. En effet, chacun me donne des «devoirs à la maison». Donc tout va bien, mais il y a encore un peu de boulot pour me remettre en selle... même si j’enfourche mon VTT presque tous les jours pour rester en forme!▪
Propos recueillis par Rachel Gamper
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Illustration/Photo: © istockphoto