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Sniper du Fatah, de la haine à l'amour

Sniper du Fatah, de la haine à l'amour
 
09.03.15 - Vécu. Taysir Abu Saada était sniper au Fatah et ne cachait pas son aversion pour les Juifs, jusqu’au jour où une rencontre l’a transformé. Aujourd’hui, il dirige «Seeds of Hope», une ONG active dans les territoires palestiniens dans le domaine de l’entraide, de l’éducation et de la réconciliation.
Vous êtes aujourd’hui engagé dans un travail humanitaire et de réconciliation auprès des Palestiniens. Avec quel impact?
Nos activités ont commencé en 2006 dans la bande de Gaza. Nous avons vu les résultats dans le cœur des enfants. Ils étaient d’abord terrifiés. D’ordinaire, les enseignants les battent quand ils ne font pas ce qu’on leur demande. Puis, au fur et à mesure que nous leur montrions autre chose et que nous mettions l’accent sur l’amour, ils se sont ouverts et se sont mis à accueillir ce qu’on leur enseignait.
Les familles sont venues nous trouver six mois plus tard en nous disant: «Nos enfants se lèvent tôt le matin, ils réveillent même la maisonnée entière parce qu’ils veulent aller à l’école. Que faites-vous donc avec eux?». Je leur ai répondu: «Venez en cours, asseyez-vous et observez». Oui, l’amour en action, ça fonctionne.

De quelle manière êtes-vous concrètement des ambassadeurs de la réconciliation?
Nous montrons aux élèves comment aimer tout le monde. Quand un boiteux arrive en trottinant, appuyé sur une canne, nous ne nous moquons pas de lui comme les autres. Nous le serrons dans nos bras et lui offrons l’écoute, l’aide dont il a besoin. Nos élèves voient aussi ce que nous faisons pour leurs parents. Ces enfants sont musulmans. Quand nous avons commencé la même chose côté israélien, les enfants pouvaient vivre tous ensemble, qu’ils soient Juifs, chrétiens ou musulmans. Les actes valent mieux que le discours.

Comment en êtes-vous arrivé à aimer ainsi les Juifs, alors que vous êtes Palestinien?
C’est ma découverte de la foi chrétienne qui m’y a conduit. La transformation de mon cœur a été radicale. J’ai eu pour eux de la passion et non plus de la colère, de la haine ou des envies de meurtre. Cela m’a fait vraiment croire que le Dieu qui m’a touché est vrai.

Au-delà des félicitations, votre travail suscite-t-il aussi de l’opposition?
Oui, au début, de la part des mosquées. Les imams avaient peur d’avoir affaire à des missionnaires qui convertiraient les enfants. Ils ont dénoncé notre projet lors de la prière. Même chose à Gaza. Mais nous avons persévéré sans fléchir. Et quand nous avons lancé les inscriptions pour notre école, de nombreuses personnes ont été intéressées et nous avons pu commencer notre école.
L’opposition demeurait, mais quand les familles ont vu notre travail, nous avons trouvé grâce à leurs yeux. Il faut dire que nous n’offrons pas seulement un jardin d’enfants; nous donnons aussi à manger aux pauvres et nous distribuons des chaises roulantes. Nous possédons également une ferme, avec des palmiers-dattiers qu’on ne trouve nulle part ailleurs: ils sont chacun sous la responsabilité d’une famille démunie et leur récolte leur rapporte plusieurs milliers de dollars... par arbre!

En tant qu’ancien membre du Fatah, qui a commis des crimes, comment avez-vous pu vous pardonner à vous-même et recevoir le pardon de Dieu?
Au Fatah, j’étais sniper. Quand je descendais des gens, je les regardais en face.
Naturellement, cela n’a donc pas été facile de me pardonner. Prendre une vie humaine n’est pas la chose la plus simple. C’est quelque chose qui reste. Mais je sais que Dieu m’a pardonné, même s’il m’arrive de revoir les visages de ces personnes que j’ai tuées.
En 2004, j’étais avec Yasser Arafat, cinq mois avant son décès. J’espérais lui témoigner de ma foi, d’une manière ou d’une autre. Je l’ai regardé et, au fil de la discussion, lui ai dit combien je me sentais coupable. Le président ne comprenait pas. Et moi de répondre: «Président, tu te rappelles? J’ai été tireur pour le Fatah. Je regardais dans le visage ceux que je tuais». Leurs visages me revenaient tandis que je parlais. Je me sentais si indigne. Je me suis prostré, puis me suis relevé et ai regardé Arafat droit dans les yeux, en lui disant: «Président, assez de sang! Notre peuple a assez souffert! Et quand je dis notre peuple, je pense non seulement aux Arabes mais aussi à nos frères et sœurs juifs. Nous sommes des frères de sang ou des cousins». Il a fait de grands yeux et sa lèvre a commencé à trembler. A ce moment, j’ai senti qu’il fallait changer de sujet.

Interview: Joël Reymond

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