L'article
Recherchés: Les parents de Mery, morts ou vifs
19.11.13 - Destin mouvementé. Mery est née à La Paz, en Bolivie. Après une enfance déjà difficile, ses parents ont été kidnappés. La jeune fille a fait alors une prière à Dieu, dont les conséquences ont été surprenantes...
Elle a grandi dans les grands espaces ensoleillés de Bolivie. Un décor paradisiaque ! Mais Mery vit sa première déception alors qu’elle n’est qu’une enfant. Sa grand-maman lui a bien répété qu’elle ne l’abandonnera jamais. Mais un jour, un accident de la route l’emporte. Quel choc pour Mery !
Parents absents
Sa grand-mère était son unique référence, puisque ses parents brillent par leur absence : représentants de commerce, ils voyagent constamment à travers le pays. Ce jour-là, Mery se demande pour la première fois : «Pourquoi donc suis-je sur terre ?»
La petite Mery est alors confiée à ses grands-parents paternels. Elle apprend à nourrir les lamas et les alpagas, à filer la laine. Une vie agréable. Pourtant, cet épisode ne dure pas : un jour, ses parents l’emmènent à la ville, pour qu’elle puisse être scolarisée.
Elle rêve de mourir
La ville s’appelle El Alto. Un million d’habitants, au-dessus de La Paz. Le trafic, les odeurs de la pollution et le bruit constant la choquent. Mais le pire est ailleurs. Elle réalise soudainement qu’elle a cinq frères et sœurs dont elle ignorait jusqu’alors l’existence. Et l’appartement est petit. Pendant les disputes, Mery se réfugie dans un coin. Il faut dire que les enfants sont le plus souvent livrés à eux-mêmes, en raison des voyages professionnels des parents. A l’extérieur, ce n’est guère mieux. Jeune écolière, Mery est effrayée à chaque fois qu’elle doit traverser la route, tant le trafic est dense. La mort ne serait-elle pas préférable à ce triste quotidien ?
Un matin, Mery, sans hésiter, s’élance sur la route, juste devant un camion. Mais son projet échoue, grâce aux réflexes du camionneur. Elle s’en sort avec une engueulade dont elle se souvient encore aujourd’hui.
Mery ne s’avoue pas vaincue pour autant. Elle planifie d’ingurgiter de la mort aux rats. Là encore, échec : une tante la surprend à temps et lui enlève ce poison des mains. Pour Mery, c’est un signe du destin : «Dieu ne veut pas que je meure». Car pour Mery, il n’a jamais fait l’ombre d’un doute que Dieu existe. Ses grands-parents le lui ont assez dit.
Une famille enfin réunie, mais...
Les temps changent, fort heureusement. Les parents de Mery ont trouvé un travail en ville, ils se construisent une maison et passent davantage de temps avec leurs enfants. Il faut dire que le niveau de vie s’est amélioré depuis que le père de Mery s’est lancé dans une activité de bureau de change. Les affaires sont florissantes, même si, à deux reprises, il se fait détrousser par des cambrioleurs. Mais à la maison, les disputes se multiplient et l’embellie ne dure pas. «A peine avais-je trouvé mes parents qu’ils parlaient déjà de divorce», soupire Mery.
Alerte enlèvement !
Et un jour, les parents de Mery, désormais âgée de
19 ans, sont victimes d’un enlèvement. Durant deux longs mois, on reste sans nouvelle d’eux. Et pas la moindre piste pour les retrouver : les recherches menées par la famille élargie et la police ne donnent rien.
Ce nouveau choc empêche Mery d’assimiler ses cours, sur les bancs de l’université de La Paz, où elle étudie la linguistique. Elle est de plus en plus désespérée. Au point de se tourner vers Dieu : «Rends-moi mes parents, morts ou vivants. Je ne supporte plus cette incertitude». Moins d’une heure plus tard, elle entend à la radio qu’un couple kidnappé a été retrouvé. Ses parents. Mais ce sont leurs dépouilles qui ont été localisées... Un frisson parcourt le dos de Mery : «Dieu a pris au sérieux ma prière.»
«Sors-moi d’ici !»
Les mois qui suivent sont une véritable torture pour elle. A la douleur de la perte s’ajoutent des conflits sur les biens immobiliers laissés par ses parents. Certains tentent de les récupérer, et les criminels sont de mèche avec la police. «Je pouvais presque sentir physiquement comment ils se moquaient de nous». Pour Mery, la vie est devenue insoutenable. Elle n’a qu’un souhait, une supplication qu’elle fait à Dieu : «Sors-moi d’ici et je te suivrai où tu veux.»
Quelle n’est pas sa surprise lorsque, peu de temps après, elle reçoit un appel de Zurich. Une tante l’invite à venir lui rendre visite et lui offre même de payer le billet d’avion. Mery n’hésite pas une seconde. Elle fait ses valises et s’envole pour la Suisse.
A peine est-elle arrivée que sa tante l’invite à se joindre à elle pour assister au culte d’une Eglise. A la fin de sa prédication, le pasteur lance l’appel suivant à l’audience : «Veux-tu confier ta vie à Jésus ?». Mery avait promis à Dieu de le suivre s’il la sortait de sa situation. Alors elle répète une prière que le pasteur propose aux participants, dans laquelle elle s’engage à suivre Jésus-Christ.
Pardon libérateur
Depuis ce jour, elle se rend régulièrement à l’Eglise. La prédication qu’elle entend quelques semaines plus tard invite les auditeurs à pardonner à leurs bourreaux. «Mais comment pardonner à des meurtriers ?», se demande-t-elle ? Quelqu’un lui explique que le pardon n’est pas une question de sentiments, mais une décision. Mery franchit le pas et, dans la prière, accorde son pardon aux meurtriers de ses parents. «Un processus de guérison a pu se mettre en place», témoigne-t-elle.
Une décennie s’est écoulée depuis son arrivée en Suisse. Mery est aujourd’hui mariée et maman de deux enfants. Elle dirige une école d’espagnol. Est-elle heureuse ? «Je suis en tout cas reconnaissante à Dieu», sourit-elle. «Mes enfants ont une famille comme je me l’étais souhaitée pour moi-même.»
Stephan Lehman-Maldonado
Parents absents
Sa grand-mère était son unique référence, puisque ses parents brillent par leur absence : représentants de commerce, ils voyagent constamment à travers le pays. Ce jour-là, Mery se demande pour la première fois : «Pourquoi donc suis-je sur terre ?»
La petite Mery est alors confiée à ses grands-parents paternels. Elle apprend à nourrir les lamas et les alpagas, à filer la laine. Une vie agréable. Pourtant, cet épisode ne dure pas : un jour, ses parents l’emmènent à la ville, pour qu’elle puisse être scolarisée.
Elle rêve de mourir
La ville s’appelle El Alto. Un million d’habitants, au-dessus de La Paz. Le trafic, les odeurs de la pollution et le bruit constant la choquent. Mais le pire est ailleurs. Elle réalise soudainement qu’elle a cinq frères et sœurs dont elle ignorait jusqu’alors l’existence. Et l’appartement est petit. Pendant les disputes, Mery se réfugie dans un coin. Il faut dire que les enfants sont le plus souvent livrés à eux-mêmes, en raison des voyages professionnels des parents. A l’extérieur, ce n’est guère mieux. Jeune écolière, Mery est effrayée à chaque fois qu’elle doit traverser la route, tant le trafic est dense. La mort ne serait-elle pas préférable à ce triste quotidien ?
Un matin, Mery, sans hésiter, s’élance sur la route, juste devant un camion. Mais son projet échoue, grâce aux réflexes du camionneur. Elle s’en sort avec une engueulade dont elle se souvient encore aujourd’hui.
Mery ne s’avoue pas vaincue pour autant. Elle planifie d’ingurgiter de la mort aux rats. Là encore, échec : une tante la surprend à temps et lui enlève ce poison des mains. Pour Mery, c’est un signe du destin : «Dieu ne veut pas que je meure». Car pour Mery, il n’a jamais fait l’ombre d’un doute que Dieu existe. Ses grands-parents le lui ont assez dit.
Une famille enfin réunie, mais...
Les temps changent, fort heureusement. Les parents de Mery ont trouvé un travail en ville, ils se construisent une maison et passent davantage de temps avec leurs enfants. Il faut dire que le niveau de vie s’est amélioré depuis que le père de Mery s’est lancé dans une activité de bureau de change. Les affaires sont florissantes, même si, à deux reprises, il se fait détrousser par des cambrioleurs. Mais à la maison, les disputes se multiplient et l’embellie ne dure pas. «A peine avais-je trouvé mes parents qu’ils parlaient déjà de divorce», soupire Mery.
Alerte enlèvement !
Et un jour, les parents de Mery, désormais âgée de
19 ans, sont victimes d’un enlèvement. Durant deux longs mois, on reste sans nouvelle d’eux. Et pas la moindre piste pour les retrouver : les recherches menées par la famille élargie et la police ne donnent rien.
Ce nouveau choc empêche Mery d’assimiler ses cours, sur les bancs de l’université de La Paz, où elle étudie la linguistique. Elle est de plus en plus désespérée. Au point de se tourner vers Dieu : «Rends-moi mes parents, morts ou vivants. Je ne supporte plus cette incertitude». Moins d’une heure plus tard, elle entend à la radio qu’un couple kidnappé a été retrouvé. Ses parents. Mais ce sont leurs dépouilles qui ont été localisées... Un frisson parcourt le dos de Mery : «Dieu a pris au sérieux ma prière.»
«Sors-moi d’ici !»
Les mois qui suivent sont une véritable torture pour elle. A la douleur de la perte s’ajoutent des conflits sur les biens immobiliers laissés par ses parents. Certains tentent de les récupérer, et les criminels sont de mèche avec la police. «Je pouvais presque sentir physiquement comment ils se moquaient de nous». Pour Mery, la vie est devenue insoutenable. Elle n’a qu’un souhait, une supplication qu’elle fait à Dieu : «Sors-moi d’ici et je te suivrai où tu veux.»
Quelle n’est pas sa surprise lorsque, peu de temps après, elle reçoit un appel de Zurich. Une tante l’invite à venir lui rendre visite et lui offre même de payer le billet d’avion. Mery n’hésite pas une seconde. Elle fait ses valises et s’envole pour la Suisse.
A peine est-elle arrivée que sa tante l’invite à se joindre à elle pour assister au culte d’une Eglise. A la fin de sa prédication, le pasteur lance l’appel suivant à l’audience : «Veux-tu confier ta vie à Jésus ?». Mery avait promis à Dieu de le suivre s’il la sortait de sa situation. Alors elle répète une prière que le pasteur propose aux participants, dans laquelle elle s’engage à suivre Jésus-Christ.
Pardon libérateur
Depuis ce jour, elle se rend régulièrement à l’Eglise. La prédication qu’elle entend quelques semaines plus tard invite les auditeurs à pardonner à leurs bourreaux. «Mais comment pardonner à des meurtriers ?», se demande-t-elle ? Quelqu’un lui explique que le pardon n’est pas une question de sentiments, mais une décision. Mery franchit le pas et, dans la prière, accorde son pardon aux meurtriers de ses parents. «Un processus de guérison a pu se mettre en place», témoigne-t-elle.
Une décennie s’est écoulée depuis son arrivée en Suisse. Mery est aujourd’hui mariée et maman de deux enfants. Elle dirige une école d’espagnol. Est-elle heureuse ? «Je suis en tout cas reconnaissante à Dieu», sourit-elle. «Mes enfants ont une famille comme je me l’étais souhaitée pour moi-même.»
Stephan Lehman-Maldonado
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Illustration/Photo: © Alliance Presse