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«La perte de Marie est un non-sens»

«La perte de Marie est un non-sens»
 
19.11.13 - Comment le père de la jeune Marie, récemment assassinée près de Payerne, fêtera-t-il son premier Noël sans elle? Le pasteur Antoine Schluchter se confie.
Comment allez-vous, votre épouse et vous ?
Globalement bien. Nous apprenons à vivre après le départ de Marie. Tout n’est pas rose, mais nous avançons, en gardant le cap et l’espérance.

Votre couple a-t-il été affecté par cette épreuve ?
L’épreuve a été une invitation à nous serrer davantage les coudes, à être plus proches, à pouvoir échanger, sans se laisser trop emporter. Nous avons dû aussi respecter le rythme et les différentes façons de réagir de chacun.

La question du sens de la vie vous a-t-elle toujours accompagné ?
Elle m’a accompagné depuis longtemps. Devenir chrétien ne m’a pas donné toutes les réponses, mais m’a indiqué avec clarté que sous le regard de Dieu, la vie a un sens qui parfois nous échappe. Dieu, le Créateur, s’est fait spécialement proche de nous en envoyant son Fils Jésus-Christ sur la terre.

La perte de Marie a-t-elle remis en question votre conception de ce sens ?
Pas facile de répondre. La perte de Marie est un non-sens. Je n’ai pas pu acquiescer quand on m’a dit : «C’est la vie». Pour moi, c’est l’inverse de la vie ! En même temps, l’espérance nous fait dire que la vie va plus loin que ça. Le décès de Marie est la fin d’une vie terrestre, mais pas la fin de la vie. Je n’ai pas à porter le fardeau de penser à ce qui adviendra de Marie. Il faut chercher le sens de la vie plus loin, reconnaître qu’on ne maîtrise et comprend pas tout.
J’y vois une invitation à être prudent par rapport à mes affirmations sur le cheminement des uns et des autres. Car je crois que la question du sens de la vie habite chacun, et j’ai parfois été un peu trop rapide à dire : «Voilà dans quel sens il faut aller». Ainsi, cette épreuve a été tellement abrupte et terrible qu’elle m’a obligé à me concentrer sur l’essentiel. Nous sommes en vie, il s’agit de continuer d’avancer.

Après ce drame, votre foi a-t-elle gagné en profondeur?
La foi, c’est la confiance placée en Dieu. Si Jésus a dit à ses disciples «combien votre foi est petite !», je n’ai pas l’impression que la mienne soit grande. Lorsqu’on ne peut pas s’accrocher à des choses très proches, très immédiates, la foi doit se placer dans ce qui est éternel. Ce n’est pas la première épreuve que je traverse, mais c’est la plus lourde. Dieu n’a pas disparu à ce moment-là, alors je peux aussi lui confier ce que je ne comprends pas.

Est-ce que votre manière d’être pasteur a changé?
J’essaie de vivre les choses plus en profondeur, d’avoir une écoute des autres accrue et sans a priori, d’encourager tout ce qui peut correspondre à une forme de démarche ou de quête. La foi chrétienne a vraiment sa spécificité, mais le Christ a laissé les gens cheminer à leur façon. Je vais d’ailleurs suivre une formation à l’assistance spirituelle en situation d’urgence, dans le but d’être encore plus proche des personnes qui passent par des épreuves très lourdes.

Qu’est-ce qui vous a réconforté dans l’épreuve ?
Dans un sens, nous avons été privilégiés. L’atrocité de l’acte a suscité une vague de réactions constructives, positives, aimantes, de prière, de soutien, de disponibilité, de présence, à tous les niveaux. Ces belles choses restent toujours dans le cœur de l’homme, c’est le bien vainqueur du mal. C’est un privilège de s’entendre dire par des membres des autorités ou par des policiers : «Nous prions pour vous». Et les amis et proches ne sont pas loin, nous ne nous sentons pas abandonnés.

Comment envisagez-vous ce premier Noël sans Marie ?
Ces fêtes, je vais les célébrer ! Pour moi, le cœur de cette fête, c’est la présence de Dieu auprès des hommes dans la plus grande humilité et simplicité. Nous avons aussi décidé de sauter dans un avion le lendemain de Noël pour rejoindre notre autre fille aux Etats-Unis avec son mari et leur petit. Pour moi, la perspective de Noël est une aide

Propos recueillis par Sandrine Roulet

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«Je ne souhaite pas la vengeance»

Avez-vous éprouvé un sentiment de révolte contre Dieu ?
Non ! Mais il y a une question de tempérament : notre caractère va expliquer nos réactions. Pour ma part, j’ai placé mon énergie et mes questions ailleurs que dans la révolte. Je me pose plutôt cette question : «Comment un être humain peut-il en arriver là ?». Cela dépasse l’entendement.

Justement, quel regard portez-vous sur le meurtrier de votre fille ?
Je ne suis pas motivé par la vengeance ou la haine. Nous avons en quelque sorte confié ce meurtrier à Dieu et à la justice humaine. Ma motivation n’est pas qu’il soit puni, mais il est essentiel qu’il soit mis hors d’état de nuire. Notre prière va plus loin : s’il pouvait se tourner vers Dieu, ce serait la plus belle des victoires !

Cette affirmation est très courageuse ! Beaucoup de gens, il est vrai, ont été surpris par notre refus de la haine et par notre calme. Nous avons ressenti une forme de respect et de compassion. Les barrières tombent et nous pouvons parler beaucoup plus directement de choses profondes.
 

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