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Un jour dans la vie de conseillers conjugaux

Un jour dans la vie de conseillers conjugaux
 
04.02.10 - «Un bon rapport sexuel se prépare dès le matin», recommandent les conseillers conjugaux Wilf et Christa Gasser. Ils expliquent pourquoi un beau couple ne se révèle jamais au départ, mais sur la durée - pour autant qu’on soit prêt à y investir
Les unions durables deviennent plus rares. Faudrait-il s'adapter et envisager de s'unir «pour un certain temps» plutôt que «pour la vie»?
Wilf Gasser : Objection : les relations à long terme et même très long terme restent très fréquentes et le rêve de tout le monde, comme des enquêtes le montrent.

Dans les faits, beaucoup vivent un système de «monogamie séquentielle», une relation suivie après l’autre. Mais quand on voit combien de gens en sortent blessés et combien de force de caractère on y perd, y compris chez les enfants dont les parents se séparent, je reste convaincu du bien-fondé des relations de longue durée.

Christa : il faut s’être un peu chamaillés pour grandir dans la relation. Si on évite la confrontation dès qu’elle se présente pour se lancer dans une nouvelle relation, on ne vivra jamais un amour éprouvé. Les enfants, s’il y en a, ne pourront non plus jamais apprendre à résoudre un conflit.

Un mariage nécessite bien plus que la promesse faite un jour...
Christa : Dans tous les cas ! On doit se choisir tout à nouveau, constamment. Souvent, cette décision doit venir avant les sentiments. C’est elle qui génère ensuite des sentiments positifs envers l’autre. Voilà comment grandit l’intimité.

Wilf : Une chose qui nous a beaucoup aidés, en tant que couple, c’est de partager une même vision de la vie. Etre en couple pour se sentir mieux personnellement ou juste moins seul, c’est toujours risqué.

Christa : ...et ça retombe beaucoup plus vite ! Pouvoir s’offrir l’un à l’autre est important. Mais on ne devrait pas se centrer complètement sur l’autre, tout attendre de lui. Il faut une saine indépendance, qui fait que notre bonheur personnel ne dépend pas exclusivement de notre conjoint.

Dans toute relation de longue durée, il y a des écueils - et aussi des havres, des lieux de repos. Commençons peut-être par les écueils.
Christa : le danger principal, c’est quand on commence à traiter son conjoint en ennemi. Cela arrive fréquemment quand on n’a pas appris à composer avec les différences mutuelles. Quelqu’un peut avoir été attiré, au début, par la discrétion de l’autre et soudain commencer à voir, derrière son silence, des intentions méchantes ou de la mauvaise volonté.

Wilf : C’est là que le regard est attiré de manière magique vers la négativité. On critique, on dénigre et on oublie le respect mutuel. C’est toxique pour toute relation.

Et les havres : qu’est-ce qui nous permet de désamorcer un tel engrenage ?
Wilf : On peut se prémunir en gardant toujours une dose d’émerveillement, d’état amoureux. J’appelle ça les lunettes roses. Il ne suffit pas de passer au-delà des faiblesses de son conjoint, mais on peut aussi apprendre à les accepter. Si par exemple, je dis, «c’est la personne la plus “désordre” que je connaisse, mais j’adore le cœur qu’elle met dans tout ce qu’elle fait», je garde une dose de respect et d’amour, qui sont tellement importants dans la relation. Cette manière d’aborder les choses, on peut la soigner.

Christa : cette attitude positive de base distingue les relations de longue durée, selon des études. C’est à peu près le seul facteur qu’on a pu clairement identifier dans le succès d’une union.

Christa Gasser, vous avez parlé de la différence du partenaire. Qu’est-ce que cela implique ?
Christa : Quatre couples sur cinq sont faits de personnalités opposées et cela ne rend pas la vie en commun plus facile, bien sûr. Dans la phase amoureuse de la relation, on ne se rend pas compte combien l’on est différent. On voit dans l’autre le partenaire idéal, l’homme ou la femme de ses rêves. Le réveil peut être vécu douloureusement, comme une réelle déception.

Est-ce là que peut survenir la séparation ?
Wilf : Souvent, ce «réveil» apparaît effectivement comme le début de la fin. C’est malheureux. Mais cela peut aussi être le commencement d’un apprentissage. Même si c’est un sacré défi...

Christa : Nous aimerions encourager ici les couples qui font face à la déception : ce n’est pas une catastrophe. La disponibilité à apprendre de tels conflits peut faire progresser l’intimité et rendre possible des relations profondes à long terme.

Vous avez exprimé ailleurs l’idée selon laquelle Dieu peut être un «love coach», jusque dans l’intimité sexuelle. Voilà qui sonne exotique, pour ne pas dire bizarre.
Wilf : Cela vient d’une histoire vraie. Tous les couples ont des questions qui concernent leur sexualité et qu’ils ne partageraient pas facilement, même à des amis proches.

J’ai entendu parler d’une ethnie où la mère du marié passe la nuit de noces avec le nouveau couple afin de «coacher» la mariée. Il ne faut pas se représenter la chose au premier degré. Cela m’a donné l’idée d’inviter Dieu dans l’alcôve comme «coach». Cela m’a donné concrètement une perspective nouvelle et un regard nouveau sur la sexualité.

Christa : Dans la relation avec Dieu, j’apprends qui je suis réellement. C’est alors que je ne dois plus tout attendre de mon conjoint ; mon besoin d’amour et d’acceptation peut aussi être comblé par Dieu. Dès lors, les relations sexuelles deviennent pour moi plus épanouies.

Wilf : Notre foi nous interpelle aussi dans le domaine de la réconciliation : nous avons besoin d’être en paix avec Dieu, avec nous-mêmes et avec notre conjoint. Lorsqu’on garde du ressenti en soi, la relation sexuelle n’est pas bien vécue.

Vous parlez de bonnes relations sexuelles. Que nécessitent-elles selon vous ?
Christa : il faut un équilibre entre ce qu’on donne et ce qu’on reçoit. Si on veut tout le plaisir pour soi, ce qui est un peu la tendance naturelle des hommes, cela mène dans une impasse. Dans nos séminaires, nous plaidons pour une sexualité qui vise le bien-être.

L’érotisme doit précéder le rapport sexuel de 22 h 30 et avoir une place tout au long de la journée : un mot tendre au réveil, la tendresse, un baiser passionné, un ou deux SMS, entreprendre quelque chose ensemble, etc. L’érotisme dans une relation de longue durée, cela se soigne et se développe consciemment.

Cela semble très positif. Mais beaucoup de gens sont frustrés dans le domaine sexuel.
Wilf : Il y a quantité d’explications possibles à ce phénomène. D’après notre expérience, les deux principales sont, premièrement, l’erreur qui consiste à croire qu’on sait faire l’amour, que c’est «dans la poche» ; et deuxièmement, la pornographie.

«Croire qu’on sait faire l’amour». Qu’entendez-vous par là ?
Christa : la sexualité s’apprend. Cela demande du temps et un dialogue ouvert. Le fait d’avoir fusionné avec passion avant de s’unir officiellement ne garantit pas une sexualité épanouie sur le long terme. Dans des relations de longue durée, la sexualité a une autre valeur et doit faire l’objet d’un apprentissage. L’union conjugale offre un bon cadre à cela.

Et à propos de pornographie ?
Wilf : Les hommes ne sont pas les seuls concernés, mais ils sont beaucoup plus réceptifs à la stimulation visuelle. La pornographie représente la sexualité de manière complètement irréaliste et égocentrique. On en devient rapidement dépendant. Elle fait beaucoup de mal à la vraie intimité qu’on tente d’avoir. Elle ne nuit pas seulement aux relations sexuelles, mais souvent, aussi, à la famille, au porte-monnaie et à une carrière.

Christa : Les femmes ont du reste aussi leurs mécanismes de fuite. Elles se réfugient plutôt dans les situations à risque, dans les rêves éveillés, les tchat rooms, les flirts ou les films romantiques.

Pour finir, comment définissez-vous un couple heureux ?
Christa : (grand sourire)
Nous en sommes un. Bon, il faut le dire, le bonheur est quelque chose de subjectif. Mais j’observe avec beaucoup de joie que nous sommes toujours tournés l’un vers l’autre et que nous avons beaucoup de considération mutuelle.

Wilf : Un couple heureux, pour moi, c’est un couple qui peut se regarder les yeux dans les yeux et qui continue à découvrir de nouvelles «stations radios» de l’amour, même après vingt-sept ans de vie commune.

Interview Thomas Hanimann

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